«Pour Dieu et pour la science. Vie et œuvre d’André
Raponda-Walker», le tout dernier livre du Professeur Guy
Rossatanga-Rignault, a été présenté au public, le 30 septembre dernier à
Libreville, par Fondation Raponda-Walker et les éditions du même nom.
La cérémonie était un véritable voyage dans le temps.
Le Pr Guy Rossatanga-Rignault, auteur de «Pour Dieu et pour la science», le 30 septembre 2014 à l’IFG. © Gabonreview
La machine à voyager dans le temps existe. Elle comporte d’ailleurs une manette ’’pause’’
permettant de s’arrêter pour vivre un moment d’éternité. Pour son
fonctionnement, elle nécessite quelques ingrédients. D’abord le
carburant : une personnalité historique passé dans l’au-delà depuis 46
ans au moins. Ensuite, le moteur : un ouvrage de plus de 200 pages,
couché sur du papier couleur sépia avec des photos couleur café. Enfin,
l’habitacle qui doit nécessairement être un lieu permettant de
démocratiser la culture et de développer la création locale. A
Libreville, l’Institut français du Gabon (IFG) fait très bien l’affaire.
En
Maître-timonier, Guy Rossatanga-Rignault, a offert, aux amoureux des
lettres et des arts de Libreville, le 30 septembre dernier à l’IFG, un
voyage dans le temps, avec une longue pause sur la période 1871-1968 ;
époque du voyage d’André Raponda-Walker sur la terre des hommes. Pour
cette remontée dans le temps, le professeur de Droit public à
l’Université Omar-Bongo, qui comptabilise de nombreux ouvrages, avait
pour copilotes le Pr Patrick Mouguiama Daouda, enseignant en
linguistique de la même université, et le Père Paul Mba Abessole,
vice-président de l’Assemblée nationale, écrivain et membre de la
congrégation des Pères du Saint-Esprit. L’exercice consistait, pour un parallèle avec le réel, en la présentation d’un livre consacré à la «Vie et œuvre de Raponda-Walker».
Intitulé «Pour Dieu et pour la science», cet ouvrage biographique sur le «Premier prêtre catholique romain et premier savant gabonais», est le 9e
livre de Guy Rossatanga-Rignault. Sa présentation officielle a donc
permis au Pr Patrick Mouguiama Daouda de plonger l’assistance, grâce à
la machine à voyager dans le temps, dans «L’héritage d’André Raponda-Walker, un passionné de science et de culture au service de la connaissance du Gabon», titre par ailleurs de la postface de l’ouvrage.
L’héritage de Raponda-Walker
Le spécialiste en
sciences du langage a donc entrainé son auditoire à travers les travaux
pluridisciplinaires de Raponda-Walker, avant d’inviter les lecteurs (et
auditeurs à la cérémonie de présentation) à «S’abreuver à la source».
Et on y apprend de belles, en linguistique notamment avec les huit
ouvrages sur les langes du Gabon écrits par le premier prêtre gabonais.
Celui-ci a, en effet, laissé un matériau de travail, «un corpus dans
les langues gabonaises telles qu’elles étaient parlées, il y a près
d’un siècle, contribuant ainsi à leur codification et à leur étude dans
un cadre chronologique précis».
A titre d’exemple, note Mouguiama Daouda, «pour le mpongwè, c’est près de deux siècles d’histoire de la langue qu’on peut restituer à partir des documents écrits. (…) en
comparant le mponwè-français de Wilson publié en 1847 avec celui de
Raponda-Walker publié pour la première fois en 1934, on apprend qu’il y a
plus de cent ans, on ne disait pas nana «dormir», nya «manger», onèwè
«langue» mais lala, lya, olèmè.»
Ce voyage a permis par ailleurs de ramener, sur le plan physique, des éléments matériels d’un autre temps : le manuscrit de «Mémoire d’un nonagénaire»,
transmis à Patrick Mouguiama Daouda par Roger Sillans à Lyon. Celui-ci
est connu pour être le coauteur, avec Raponda-Walker, de «Rites et croyances des peuples du Gabon»
(Présence africaine, 1962). Le précieux manuscrit a été remis, le 30
septembre 2014 par le Pr Patrick Mouguiama Daouda, au président de la
fondation Raponda-Walker, Guy Rossatanga-Rignault.
Paul Mba Abessole et Raponda-Walker
Le Père Paul Mba Abessole, second copilote de Guy Rossatanga-Rignault dans cette présentation de «Pour Dieu et pour la science»,
a entrouvert une autre fenêtre temporelle. Ce qui a permis de découvrir
que le prélat devenu homme politique a rencontré Raponda-Walker en
1950, par l’intercession de son père qui était alors catéchiste. C’était
bien longtemps avant que l’actuel vice-président de l’Assemblée
nationale n’entre au petit séminaire. Et l’on découvre que Mba Abessole
rendait visite à Raponda-Walker à chaque fois qu’il revenait de France
où il était parti en formation.
Ordonné en juin 1968, Mba Abessole
va porter sa bénédiction de nouveau prêtre à Raponda-Walker qui lui
marque son inquiétude de ne pouvoir achever son projet de faire
connaître les cultures du Gabon. Le jeune prêtre d’alors lui dit qu’il
était prêt à prendre sa relève à son retour. «J’avais une forte envie d’hériter de sa machine à écrire»,
confesse Mba Abessole. Mais, le Mgr Walker s’éteint, le 11décembre
1968, avant le retour au Gabon de Paul Mba Abessole. La machine à écrire
de Raponda-Walker n’a donc pu lui être léguée et personne, parmi les
membres de sa famille qui étaient de ce voyage dans le temps, n’a pu en
dire un mot. Pas même, Raponda-Walker lui-même qu’on a retrouvé,
toujours en remontant le temps, animant une émission radiophonique : «Connaissance du Gabon par l’abbé Walker».
Le dignitaire ecclésiastique et homme de science a ainsi entrainé les
voyageurs du temps à travers les épidémies qui ravageaient le Gabon
colonial. Un témoignage scientifique résolument mémorable.
«Pour Dieu et pour la science»,
dernier livre de Guy Rossatanga-Rignault, qui a favorisé cette remontée
du temps, compte 11 chapitres qui entrainent le lecteur à travers,
entre autres, «Le Gabon à la fin du 19e siècle» ; «Le fils du directeur d’Hatton et Cookson» ; «Dans le Hampshire chez la mamie anglaise» ; «Vocation et sacerdoce» ; «La triple mission : l’évangile, l’enseignement, la recherche» ; «Une œuvre immense et multidisciplinaire» et «Postérité d’André Raponda-Walker».
L’ouvrage de 217 pages se termine par une interview de Mgr André
Raponda-Walker, réalisée en 1960 par le père Jean Pouget. Le petit
volume, fortement illustré d’images d’époque, est absolument à compulser
par tout gabonais qui se respecte. Il permet d’en apprendre sur le
Gabon ou d’affiner sa connaissance du pays. On découvre par exemple d’où
viennent les noms des quartiers Nombakélé, Likouala-Mossaka ou
Gros-Bouquet ; on apprend, entre autres, que la rivière de Libreville
qui coule sous le pont Deemin à côté de l’ex-Fondation Jeanne Ebori, se
nomme Anwondo.
«Pour Dieu et pour la science» livre
également un résumé de chaque ouvrage d’André Raponda-Walker. Pour
l’essentiel ce personnage incontournable de l’histoire du Gabon dont Guy
Rossatanga-Rignault retrace la vie, est né en 1871 à Libreville. Il fit
ses études chez les Pères du Saint-Esprit et fut ordonné prêtre en
1899. Missionnaire devenu, il écuma le Gabon, étudiant au passage les
langues, coutumes, rites et croyances, botanique, faune et histoire des
contrées traversées. Un recueil de données qu’il entreprendra de
rassembler en une vingtaine d’ouvrages, entre son départ à la retraite
et sa mort en 1968, créant ainsi une sorte d’«encyclopédie du Gabon» de son époque. Bien qu’écrit par Guy Rossatanga-Rignault, «Pour Dieu et pour la science» est, pourrait-on dire, le dernier ouvrage de Raponda-Walker. Un must.
Source: gabonreview
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